CET ÉTÉ, J’AI VOYAGÉ EN FRANCE AVEC MA ROYAL ENFIELD

– Été 2021 –

Voyager au temps du Covid : quelle histoire..! Longtemps dans l’impossibilité d’aller ailleurs qu’en bas de chez soi ou tout à côté, j’ai pris mon mal en patience et rongé mon frein comme me l’ont fait remarquer des amis. Deux ans sans voyager, c’est long quand on a pris l’habitude de partir trois ou quatre fois par an à l’autre bout du monde. Avec la recrudescence de la pandémie au plan mondial et la fermeture des frontières, au moment où j’écris ces lignes (été 2021), partir à l’étranger reste encore très compliqué, voir impossible. Les projets de lointain, avec ou sans pass sanitaire sont de beaux rêves que les vidéos et les blogs de voyages alimentent d’une kyrielle  d’images toutes plus belles les unes que les autres ! Un matin de juin cependant, j’en ai eu marre de rêver « voyage » et de me gaver d’images; j’ai  pris ma Royal Enfield et je suis parti : direction la France. Cette vidéo postée sur youtube et  l’article qui suit retracent le contexte et les grandes lignes de ce voyage. 

Bon Film et bonne lecture ! 

Pourquoi la moto ? Une réponse facile serait « parceque j’aime ça « . Plus sérieusement, cela fait plus de cinquante ans que je fais de la moto. J’ai commencé par des 125 cm3 puis à 40 ans je me suis décidé à passer le permis moto et j’ai fait l’acquisition d’une TDM 850 et de deux FJ 1200. Le pied ! Avec l’âge, (J’ai presque 72 ans) l’envie de continuer à rouler en moto et à bourlinguer était toujours aussi vive, mais plus lentement. La Royal Enfield classic 500 Tribut Black acquise en décembre 2020 m’a semblé correspondre à mes sages aspirations. Compte tenu de sa vitesse limitée (125km/h.), elle me paraissait parfaitement indiquée pour découvrir des lieux à petite vitesse. Cette moto, sobre, sans électronique embarquée et au look rétro est une série limitée de la Classic 500 qui n’est plus fabriquée depuis 2020. 1000 motos de ce type étaient destinées à l’Europe, j’ai eu la 194ème !

Ma Royal Enfield tribute black
Royal Enfield Tribut Black

Petit retour en arrière

Tout commence en Inde. A l’occasion d’un voyage dans le Kerala (sud de l’Inde) avec Brigitte. Je découvre avec émerveillement cette moto indienne fabriquée à Madras : la classic de chez Royal Enfield. Sa légende, son côté vintage me tapent dans l’oeil ! Alors à Cochin je l’ai photographiée, à Munnar j’ai pris la pose sur une « vraie » royale qu’on m’a gentiment prêtée pour l’occasion.

Royal Enfield en Inde
En Inde, ne Royal Enfield
En Royal Enfield sur une plage du Kerala

En ville, dans les campagnes, sur les grandes et les petites routes d’Inde, elle est partout ! Avec sa sonorité caractéristique on l’entend  se faufiler dans le trafic, très à son aise au milieu des milles et un obstacles qui l’empêche de filer droit. C’est décidé ! à mon retour en France , j’en achète une. Curieusement il me faudra 4 ans, en pleine pandémie, pour qu’en décembre 2020 je franchisse le seuil d’un concessionnaire Royal Enfield et parte avec « ma » moto !  Un effet covid ? Quoiqu’il en soit c’est au guidon de cette moto de légende que je vais faire la balade que je présente maintenant.

 

L’itinéraire

itinéraire
  • Metz – Beaune : 310 km
  • Beaune – Thiers : 163 km
  • Thiers -Saint Flour : 165 km
  • Saint Flour – Laguiole : 60 km
  • Laguiole – Millau : 110 km
  • Millau – Montpellier  : 132 km

Avec les balades effectuées en Aubrac notamment, j’ai parcouru au total 1248 km en 6 jours.

 J’ai effectué cette balade du 9 au 15 juin. Le parcours est resté très ouvert. J’avais, certes, quelques repères et une idée des lieux et des agglomérations par lesquels je passerai. J’avais le temps et comme seules règles, celles de ne jamais prendre l’autoroute, d’éviter les nationales et d’emprunter le plus souvent possible les toutes petites routes; pour le reste je me suis fié à mes envies sans programmer la balade ! Et au final une superbe virée et de superbes rencontres !

La balade

D’habitude, je vais à Montpellier en voiture et j’emprunte le plus souvent l’autoroute. 7 ou 8 heures plus tard, j’arrive à destination. Avec la Royal Enfield 500, c’est impossible. Elle n’est pas rapide et au-delà de 100km/h. elle vibre. La vitesse, ce n’est pas son truc. N’allez pas croire que c’est un défaut. Loin de là. On retrouve à son guidon une certaine philosophie de la lenteur et l’art de la flânerie. On peut même voir les jours de pluie (et il y en a eu beaucoup cet été) des escargots défiler au passage de la moto sur un vieux tronc d’arbre couché au bord de la route !

 

A vrai dire, à mon âge (j’ai 69 ans), cette relative lenteur me convient bien. Mieux, quand la durée intérieure prend le pas sur la recherche de la vitesse et les contraintes de l’agenda, les paysages prennent une autre dimension. Là où d’habitude on ne fait que passer, quasi indifférent au paysage qui défile, ici on a le temps de le regarder et de le découvrir. C’est ainsi que je vais traverser – la Bourgogne, le Livradois, l’Aubrac, Le Larzac, les Cévennes -. Je me souviens, avec ma FJ 1200, je descendais à Montpellier en 6 ou 7 heures, montre en main. Je filais sans rien voir en quelque sorte ! Cette fois, c’est autre chose. Je compte en jours et je peux admirer l’environnement…

Fondamentalement je pense avoir choisi cette moto pour ce qu’elle rend possible : une autre approche du temps, de la nature et des mondes traversés.

pause près de laguiole

Ma première étape me conduit à Beaune. C’est la plus longue de mon périple (310 km.), la plus pénible aussi compte tenu de la pluie qui s’est mise à tomber à partir de Langres. Après je n’aurai plus que du beau temps; des conditions idéales pour une randonnée à moto.

De Beaune à Thiers, en passant par la route des grands crus, la route serpente d’abord à travers une étendue de vignobles aux noms réputés avant de continuer entre les monts et les forêts du Livradois.

meursault
vignobles de bourgogne
vignobles de bourgogne

Plus au sud, à l’approche du massif central mon itinéraire passe par une région luxuriante et parsemée de petites forêts. La route est très peu fréquentée: pas de camion, peu de voitures, quelques tracteurs. En cheminant sur une de ces routes désertes, je me suis retrouvé au bord d’un parc où « ruminaient »  un troupeau de vaches. Je me suis arrêté. Curieuses, craintives, pour elles, j’étais l’attraction du jour.

les vaches du Livradois

Après cette courte pause en compagnie des vaches du Livradois, je poursuis ma route.  Je  n’oublie pas que ce soir j’ai prévu d’être à Thiers. Je repars donc. Des travaux ont lieu sur les départementales abîmées par l’hiver. Les directions sont mal indiquées et j’ai quelques difficultés à retrouver mon chemin. Dans un petit village, un couple de retraités assis sur un banc devant leur maison, me propose de prendre un chemin qui doit rejoindre 10km plus loin la départementale. Je leur demande si c’est praticable avec ma moto. Leur réponse est sans appel : « Bien sûr, avec ce genre de moto ça passe » ! 

Me voilà rassuré. je roule maintenant  sur un chemin qui a dû être goudronnée jadis. Seules quelques endroits bitumés entre lesquels poussent des touffes herbes rapellent qu’ici il y a quelques années encore il devait y avoir une route. J’imagine aussi le temps révolu où les gens et les bêtes empruntaient ces voies de circulation. Seuls quelques trous dans la chaussée me rappellent à la réalité. Debout sur mes cale-pieds j’avance lentement en prenant soin d’éviter les trous et les petites pierres qui jonchent le sol.

En chemin avec ma Royal Enfield

Après une halte à Thiers, je poursuis le lendemain vers Saint Flour par les routes exquises du Livradois. Une journée tranquille avec la perspective de déguster ce soir dans la ville haute de Saint Flour un aligot arrosé d’un bon vin de Loire.

En direction de l’Aubrac et du Larzac

Le choix de ces régions tient pour partie à la logique géographique de ma progression mais surtout au désir que j’ai de retrouver là des endroits que j’aime. A la carte routière s’ajoute ainsi une cartographie subjective avec laquelle je m’imprégne des lieux et des ambiances.

viaduc de garabit
paysage région de saint fleur

J’avance au rythme lent du temps qui s’étire et profite de quelques arrêts ou points de vue pour contempler le paysage.

la moto devant le viaduc de garait
point de vue
L'Aubrac
paysage de l'Aubrac

Au coeur de l’Aubrac

Parmi tous les lieux de balade que j’ai traversés, l’Aubrac  représente à mes yeux le symbole de la tradition dans ce qu’elle a humainement de plus précieux. Nous y étions allés Brigitte et moi en septembre dernier à l’occasion d’un festival de photos (Phot’Aubrac) consacré à la nature, aux questions environnementales, à la biodiversité, à la terre et à ses gens…Ces thèmes universels s’harmonisaient parfaitement avec la singularité des lieux qui en accueillaient les différentes manifestations. Nous avions été fortement impressionnés par ce territoire à cheval sur la Lozère, l’ Aveyron et le Cantal tant le rapport qu’entretiennent les gens d’ici  avec la nature, le passé, la tradition résonnent comme un défi à notre modernité.  

Nasbinals, Saint Urcize, Saint Chély d’Aubrac, Laguiole… autant de villages dont les noms sonnent agréablement à mes oreilles et que j’ai hâte de retrouver.

sur les plateaux de l'Aubrac
les monts d'aubrac
buron sur le sommet de l'Aubrac
village de l'Aubrac
petite route d'Aubrac
chevaux sur les monts d'Aubrac
paysages de l'Aubrac
paysage d'Aubrac

Quand on se balade en Aubrac, on fait obligatoirement une halte à Laguiole. Située  dans l’ Aveyron en pays occitan, plus très loin de la Méditerranée, ce petit village surtout connu pour ses couteaux est un lieu immense par le dynamisme et les talents qu’il recèle. En juin, sur les hauteurs de Laguiole, dans les parages de l’Eglise Saint Matthieu, le panorama sur la campagne et les toits du village est de toute beauté. Lorsque l’après-midi touche à sa fin, que le soleil est encore haut dans le ciel, tout devient lumière et le gris des toits brillent de milles éclats métalliques aux accents bleutés. Pour la nuit, je me suis installé dans un gîte : le foirail, au centre du village. C’est là que je résiderai le temps de redécouvrir la région avant de poursuivre sur Millau. Pour l’heure, après avoir rangé mes affaires, je m’installe à la terrasse de l’établissement et commande une bière.  A cette heure de l’après midi beaucoup de gens prennent l’apéro, d’autres déambulent sur la place attenante. Une joyeuse et paisible agitation donne à l’endroit une ambiance détendue. Un homme d’une cinquantaine d’années (Marcel) regarde avec intérêt ma moto garée à proximité. Il m’a immédiatement repéré, s’approche de moi et très vite la discussion s’engage. Il m’apprend qu’il est membre d’un club de motards « les Blue Riders ». Tous les adhérents  sont originaires de Laguiole et tous possèdent une Royal Enfield et pas n’importe laquelle ! Non, la classic ou la bullet.

Club Royal Enfield de Laguiole

L’histoire : En 2019, quelques copains de Laguiole dont la plupart se connait depuis la maternelle se rendent au Rajasthan. Mon interlocuteur fait partie de l’aventure. Ensemble, ils vont y faire un road trip au guidon de la célèbre « bullet » de la marque Royal Enfield. C’est le coup de foudre pour la moto. Le look de la bécane, sa simplicité et sa robustesse les séduisent à tel point qu’à leur retour, ils décident d’acquérir le même modèle importé en France. Dans la foulée, ils réussissent à convaincre d’autres « potes » du village de les suivre dans leur projet de fonder un club: « les Blue Riders ». Actuellement au nombre de 15, le groupe de Laguiole se réunit régulièrement chez Vincent et Manu à l’Hôtel/Restaurant l’Aubrac (le siège du club). Là, ces passionnés de mécanique et de grands espaces échangent sur la préparation de leurs motos, imaginent des projets de balades en Aubrac ou ailleurs. Celui d’aller en Afrique du sud sur les traces de Nelson Mandela est dores et déjà dans les « tuyaux » !

en Royal Enfield à Laguiole

A la fin de notre discussion, Marcel propose que nous nous retrouvions vers 20h.30 au siège du club, à deux pas du foirail, pour une boucle d’une vingtaine de kilomètres autour de Laguiole, à la fraîche. Éric, un autre membre du club et son fils Céleste se joignent à nous. En fin de journée, lorsque le soleil se couche, cette balade sur les petites routes de l’Aubrac, prend des airs impressionnistes remplis de couleurs fauves qu’un Matisse ou un Derain auraient sans doute apprécié ! je ferme la marche, l’air est frais, nous enchaînons quelques lacets, traversons la  forêt de la Roquette Bonneval avant de déboucher sur les estives ou paissent les célèbres vaches de l’ Aubrac avec leur pelage ocre et leurs grandes cornes. Nous empruntons maintenant la D 15. qui longe les stations de ski de laguiole. Au-dessus du village, au bord de la route, une pancarte à l’esthétisme sobre et travaillé indique qu’un peu plus haut, en pleine nature, il y a un restaurant : Le Suquet. C’est là que nous nous dirigeons.

L’établissement est dirigé par Sébastien Bras un chef étoilé (le président du club). Prévenu de notre arrivée, il nous invite à sa table pour une dégustation mémorable ! la surprise est royale, un moment exceptionnel, convivial et sérieusement gastronomique ! Dans les coulisses de ce grand restaurant, j’observe avec ravissement l’étonnant ballet qui se joue sous mes yeux. Chacun est à sa place, chacun sait ce qu’il doit faire. Curieusement, à cet instant je pense au grand peintre catalan Joan Miro qui avait atteint dans ses toiles la simplicité et l’excellence à force d »exigence, de rigueur et de travail… En tout cas, encore merci à Sébastien et à ses collaborateurs pour l’accueil réservé ainsi qu’à Marcel pour son initiative.

au Suquet à laguiole

Avant de m’endormir, je revois cette soirée. Je me remémore le moment que je viens tout juste de passer en compagnie de quelques membres du club au Suquet. Je n’ai sans doute pas bien traduit ce que j’ai ressenti à ce moment-là. Mais jamais autant qu’à travers nos échanges, dans une ambiance chaleureuse, l’attachement des gens de l’Aubrac, à leur territoire, la volonté de faire connaître leur région, leur savoir-faire ne me sont parus aussi forts. Là, autour de la table d’un des restaurants les  plus prestigieux de la région et de France, c’est la tradition dans ce qu’elle a de meilleur en termes de valeurs, d’accueil, de respect, d’authenticité… qui s’est exprimée comme un défi pour les temps à venir.

De Laguiole à la mer  !

De Laguiole, Montpellier n’est plus très loin. Je ferai cependant étape à Millau, une étape courte d’une centaine de kilomètres par les petites routes. Saint Chely d’Aubrac, Saint Geniez d’Olt, Sévérac d’Aveyron…et la plongée vers Millau.

 

sur les hauteurs de Millau
le viaduc de Millau

j’arrive à la fin de ma balade. Aux abords de Millau, je me promène au bord du tarn. Demain je traverserai le Larzac, redescendrai sur Lodève et rejoindrai Montpellier.  Mais d’abord je vais m’attarder sur les causses du Larzac : un lieu chargé d’histoire militante et de résistance à l’armée et à son projet d’extension. J’ai envie de retrouver un endroit connu dans les année 70, pour la très forte mobilisation dont il a été le théâtre. L’armée envisageait d’exproprier les paysans qui y vivaient pour faire du plateau un gigantesque camp de manoeuvre. Je me souviens de juillet 73…. nous étions des milliers sur le site !

le Tarn
le viaduc de Millau

Épilogue

Cette balade en Royal Enfield d’une semaine, à laquelle il faut ajouter la remontée vers Metz à travers les Alpes et le Jura (cf. la vidéo) m’a fait prendre conscience de cette grande liberté que procure un usage hors programme du temps. Fait de rencontres, d’opportunités et de mille et un petit bonheur, ce voyage m’a permis de  savourer cette plongée tout à la fois esthétique et émotionnelle au coeur des territoires. Le sentiment d’une certaine plénitude face à la beauté des paysages, la. qualité des rencontres ont été quelques unes des caractéristiques de ce voyage en classic Royal Enfield.

la mer et la Royal Enfield
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