Un 1er mai à Dakar
En Afrique de l’Ouest, le 1er Mai, jour de la fête internationale des travailleurs, prend des formes multiples. Selon le pays il est revendicatif ou festif ou les deux à la fois, l’approche variant d’un pays à l’autre. Au Sénégal, où je me trouve ce 1er Mai 2016, l’ambiance est plutôt festive. On est loin de l’esprit d’une journée, destinée à l’origine (1886) à commémorer le combat des ouvriers de Chicago pour la limitation de la journée de travail à huit heures.
Le mouvement des travailleurs sénagalais a une longue histoire. Ils sont à l’origine de la première grande grève en Afrique subsaharienne. Elle a lieu à Dakar du 13 au 15 avril 1919 chez les cheminots de la ligne reliant Dakar à Saint-Louis. Le premier syndicat, a été enregistré en 1923, et, depuis 1947, le 1er Mai est un jour férié. L’impact de ces mouvements connut pendant longtemps de sérieuses limites imposées par la puissance coloniale. Depuis c’est devenu un rituel qui comprend généralement deux phases, l’une consistant à présenter le cahier de doléances au président de la République, l’autre consiste en un discours que fait le chef de l’Etat sur l’état des avancées sociales. On est là typiquement dans un exercice de style dont s’accommodent parfaitement l’ensemble des protagonistes !
Extraits de mon journal :
Dimanche 1er mai 2016
» J’ai quitté tôt ce matin, la petite commune de NGORE où je réside pour aller à la manif du 1er mai à Dakar. A mon arrivée au marché de Sandaga, non loin du centre ville, à quelques pas du palais présidentiel, de nombreux manifestants se pressent vers le lieu de rassemblement. Il est 9h. du matin et il y a déjà beaucoup de monde rue de la République où je viens d’arriver. De partout, dans un flot continu, les gens convergent en grappes serrées pour prendre place dans le cortège coloré qui se forme. Le défilé se prépare. Les manifestants arborent tee-shirt, boubou et casquette aux couleurs de leur syndicat. L’ambiance est bon enfant, plutôt festive. Emporté par le mouvement, je longe maintenant l’avenue Sedar Senghor; le spectacle est impressionnant.
« … Les rayons du soleil illuminent les habits colorés des manifestants que je croise. Sous le ciel urbain légèrement voilé par la pollution, le piaillement des oiseaux s’est effacé derrière la clameur de la foule. La température est clémente, 24-25 degrés. Il fait beau. La ville est en fête. Les femmes ont sorti leur habit de lumière… »
Tous les ans, lors de la fête du 1er Mai, une tradition est respectée : la remise de cahiers de doléances des centrales syndicales du pays au chef de l’Etat.
Ce moment est mis à profit par le président de la République pour tenter de répondre aux demandes et autres revendications portées par les centrales syndicales. En réalité, les revendications sont rarement prises en compte et personne ne semble dupe ! La tradition est sauve !
Sur la place de la Nation, un lieu central qui accueille les grandes manifestations comme la fête de l’indépendance par exemple, une tribune a été installée. Des officiels et quelques grandes figures du syndicalisme y siègent. La manifestation en profite pour faire voir et entendre ses revendications.
L’ambiance pleine de vibrations de joie me parait plus festive que revendicative. C’est dans la bonne humeur qu’un cortège éclatant de mille et une couleurs s’ébranle. Le bruit des Klaxons s’est tu, remplacé par celui des tam-tam, des coups de sifflets stridents et des harangues de la foule bruyante et joyeuse. Quelques bras levés, des poings serrés rappellent que ce sont des manifestants, des travailleurs, des chômeurs venus là pour défendre leur cause.
Ici ce sont les femmes vendeuses de la médina ou les travailleuses domestiques qui en appellent à plus de reconnaissance et de dignité.
Là, des collègues de l’Education nationale du Sénégal “en colère” face à la grave crise que traverse le système éducatif sénégalais ».
«