Istanbul, des quartiers, des impressions, une ambiance

 

– septembre 2022 –

istanbul Karakol

Il ya 50 ans, en 1972, mon bac en poche, je partais sur la route (« On the Road ») faire les chemins de Katmandou. A cette époque, Istanbul était la dernière étape « occidentale » avant la traversée de l’Iran, de l’ Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde: le  point de passage obligé d’une jeunesse avide de liberté et d’Orient. Qu’ils viennent des Etats-Unis, ou d’Europe, les « hippies »,  les « routards » comme on les appelait à l’époque avaient tous la même adresse en poche :  « le Pudding shop » à deux pas de la Mosquée Bleue. C’est là qu’on se pressait  quand on arrivait dans la ville chère à Pierre Loti et qu’on s’apprêtait à parcourir des milliers de km pour rejoindre l’ Inde ou le Népal. Sultan Ahmed, le quartier historique de la ville, aujourd’hui visité par des milliers de touristes, avait beau compter parmi les plus belles réalisations du monde, (la Mosquée Bleue, sainte Sophie, le palais de Topkapi..) c’est le Pudding Shop qui retenait l’attention.  (J’évoque l’influence de cette période ici dans ma présentation). Cette Institution existe toujours. Emportée par l’urbansiation d’un quartier entièrement dédié au tourisme de masse, elle a cependant su garder quelques traces de cette histoire. J’y suis retourné pour voir !

Flash Back 

La première fois que j’ai découvert Istanbul, j’avais 20 ans. Je m’y étais fait faire une carte internationale d’étudiant pour pouvoir bénéficier de diverses réductions sur les transports, l’hébergement en auberge de jeunesse…Entre ces deux photos, 50 années se sont écoulées ! Evidemment, j’ai changé, la villes aussi  mais les souvenirs sont restés.

Revenir 50 ans après sur les lieux de ses premières aventures de voyage n’est pas anodin. Des souvenirs reviennent…Parmi ceux-ci, le souvenir d’une époque qui a vu se développer au fil du temps une véritable  Institution située au coeur du quartier de Sultan Ahmed : le Pudding Shop

Le Pudding Shop 

le pudding shop à istanbul

Le Lale (la tulipe en turc) est un Restaurant de Sultan Ahmed fondé en 1957. Plus connu sous le nom de Pudding Shop, il vit défiler dans les années 60 autour d’un thé et d’une pâtisserie turque toutes celles et ceux qu’on appelait alors les hippies ou les beatnicks. Ils se rencontraient là avant de poursuivre leur route vers les Indes et Katmandou.

le pudding shop à Istanbul

On a du mal à imaginer devant l’extraordinaire requalification du quartier, qu’ici à Sultan Ahmed, dans un endroit très populaire à l’époque, un modeste restaurant/pâtisserie allait acquérir auprès de la « beat generation » une telle célèbrité. J’ai rencontré un des propriétaires du Pudding shop, Adem Çolpan. Il a volontiers accepté de retracer l’histoire de ce lieu, fier d’en partager quelques anecdotes.

au Pudding shop avec un de ses propriétaires
à l'intérieur du Pudding Shop

Le modeste restaurant des années 60/70 a suivi l’évolution du quartier. Des enseignes lumineuses flashies ont remplacé la vieille devanture grise. Le restau s’est agrandi. Sa restauration s’est mise aux normes d’une gastronomie sans cachet particulier. Il est désormais éligible aux évaluations et autres commentaires de tripadvisor. Sur la période glorieuse de son histoire un livre lui est consacré. Il est paru en 2022. J’en publie ici quelques photos.

Idéalement situé sur l’artère principale qui longe la Mosquée Bleue et Sainte Sophie, le Pudding Shop va jouer un rôle clé dans le  projet des jeunes voyageurs des années 70. Le  génie des propriétaires c’est d’avoir très vite compris qu’une clientèle d’un genre particulier passait forcément par là et qu’elle avait besoin d’informations, de conseils pour voyager ! Davantage qu’un office de tourisme original, (il n’y en avait pas à l’époque) ici les jeunes pouvaient obtenir de précieux renseignements sur les lieux à visiter, les hôtels bon marché. Il était également possible d’adresser là son courrier, ou encore d’ organiser avec l’aide des propriétaires un transport vers l’ Asie. Un service de « covoiturage » avant l’heure s’était mis en place. Sur un panneau d’affichage accroché aux murs, des messages donnaient des informations, des nouvelles. Véritable site de petites annonces avant l’heure, ce panneau était l’endroit névralgique du lieu. Des lettres y étaient également affichées. Le tableau existe toujours même si les contenus affichés ont quelque peu changé !

le pudding shop à Istanbul
le pudding shop

je garde de cet endroit d’Istanbul le délicieux souvenir d’un moment inscrit dans la mémoire collective d’une jeunesse qui voulait tout simplement changer la vie et s’émanciper. Le voyage vers l’Asie et Katmandu était le symbole de ces aspirations.

Profitant d’un belle arrière-saison (septembre est le moment idéal pour visiter Istanbul), j’y suis retourné 50 ans plus tard en famille.

istanbul en famille
istanbul

Istanbul

50 ans après donc, nous avons pris le temps de visiter Instanbul et ses nombreux quartiers, ce que naguère je n’avais pas fait ou très peu. Istanbul est une ville de plus de 15 Millions d’habitants. Les quartiers sublimes qui la composent ne manquent pas. On s’émerveille, devant la spendeur des monuments et autres palais réalisés au fil des siècles. Une littérature abondante, des livres, des revues lui sont consacrés et il serait bien prétentieux de retracer ici en quelques lignes les périodes bysantines, romaines et ottomanes de son évolution. Je laisse le lecteur faire ses choix de lecture, rechercher sur des sites, des guides… consacrés à l’histoire de la ville ce qu’il lui faut de savoir pour appréhender la complexité historique et culturelle de cette mégalopole.

A la croisée de deux mers (la mer noire et la mer marmara avec son accès à la mer Méditerranée) reliées par le bosphore, située enre l’Europe et l’Asie, la ville occupe une position stratégique unique.  La particularité d’Istanbul c’est d’être « entre-deux » ! Entre le nord et le sud, entre l’Europe et l’Asie, entre deux mers et de pouvoir ainsi exercer un contrôle maritime du passage nord-sud entre la Russie et la Méditerranées, et un contrôle terrestre et stratégique entre l’Europe et l’Asie. 

Le visiteur ne fait que constater cette complexité géopolitique. Il n’en est pas l’acteur. Et il le sait. Il ne fait pas l’histoire. Il  tente simplement de la saisir à sa façon, conscient à son retour d’avoir appris quelque chose, pas seulement pour en parler mais pour avoir une idée plus précise des enjeux qui traversent actuellement cette région du monde. Pour l’heure, il ressent aussi des impressions, saisit des ambiances, de celles dont je vais parler ici.

Sultan Ahmed

Nous sommes le 10 septembre 2022. La nuit vient de tomber. De part et d’autres du pudding shop les restaurants ont fait le plein. Des américains, des russes, des italiens, des allemands paraissent satisfaits de l’ambiance bruyante et musicale des lieux. Dans cette fête anachronique riche en couleur, la bière efes (bière turque) coule à flot, les regards complices s’échangent. « La nuit promet d’être belle  » !

Le jour est tout aussi important pour le visiteur de passage. C’est le moment où se déroule un spectaculaire ballet. D’un monument l’autre, au pas de charge pour certains, en groupe resserré derrière un guide arborant un parapluie ou une canne pour être reconnaissable par ses clients pour d’autres, un autre activité s’accomplit: le rituel des visites. Dès 9 heures du matin la foule accomplit ce rituel. Devant saint Sophie c’est une interminable file qui s’est formée; chacun se résoud à attendre une heure parfois plus pour entrer dans la basilique. Le soir, c’est plus calme, les visiteurs sont ailleurs; c’est le bon moment pour visiter Sainte Sophie.

la basilique mosquée saint Sophie
l'intérieur de Saint Sophie

Juste en face, à quelques mètres se trouve sa rivale : la mosquée bleue. Avec ses 6 minarets, on la voit de loin. C’est incontestablement la mosquée la plus célèbre d’Istanbul, un point de départ du pélerinage vers la Mecque.

la mosquée bleue
la mosquée bleue

Moins connue mais tout aussi riche et fascinante la citerne-basilique. Un monument bysantin qui impressionne par le génie constructeur de l’époque. 78000 m3 d’eau pouvait être stockés dans les profondeurs d’une basilique incendiée et reconstruite. 

basilique citerne de Istanbul
basilique citerne de Istanbul

Ce qui est pratique du point de vue des visites, c’est qu’ici  à Sultan-Ahmed, au-dessus de la corne d’or, toutes les vistes peuvent se faire à pieds. Les monuments les plus célèbres sont dans un périmètre très restreint. En contrebas de sainte Sophie, se trouve ainsi le palais de Topkapi en surplomb du bosphore et de la mer de Marmara.

la palais topkapi à Istanbul
à l'intérieur du palais topkapi

Les passionnés d’histoire, ou les simples curieux trouveront ici leur bonheur. Plus bas, après  la vieille gare d’Istanbul, assis sur les parapets de la corne d’or pour les uns, déambulant le long des quais en attente d’un bateaux bus pour les autres, c’est l’histoire du peuple d’Istanbul qui se donne à voir. Le vendeur de maïs, le rabatteur qui d’un sonore « Bosphore, Bosphore » essaye de vendre au visiteur une balade en bateau sur le Bosphore, les pêcheurs…tout un petit monde se croise ici au bord de l’eau. A la tombée du jour le spectacle est divin.

Du côté de la Corne d’Or

cède soleil sur la corne d'or
fin d'après midi sur la corne d'or

pêcheurs à la ligne, marchands de maïs cuit, musiciens, passants, tout ce petit monde auquel se mêlent les touristes forme  le tableau bien vivant d’une ville très animée.

une fin d'après midi sur la corne d'or
vendeur de rue à Istanbul
pêcheurs sur la corne d'or à Istanbul
pêcheurs. à la ligne sur la corne d'or
musiciens de rue à Istanbul
ambiance de fin d'après midi sur la corne d'or
istanbul et la corne d'or
bateau sur le Bosphore
pont sur la corne d'or

Le Bazar, le commerce …

Signe des temps, le grand bazar magnifié au XVI ème Siècle par Soliman le Magnifique, le bazar égyptien, les petites rues  commerçantes alentour perpétuent une tradition commerciale bien ancrée dans les habitudes locales.

Balade dans le quartier de Balat 

Un lieu où il fait bon flâner. Cet ancien quartier juif d’Istanbul est en pleine transformation. Situé sur les rives sud  de la Corne d’Or, il est facilement accessible par les transports en commun à partir d’Eminönu. A Balat, on peut passer sa journée dans les ruelles pavées à s’émerveiller devant les façades restaurées et repeintes en jaune, en rouge, en bleu…à découvrir les petites boutiques artisanales…. Beaucoup moins envahi que d’autres quartiers, on y vient pour goûter le calme d’un endroit encore à l’écart du bruit et du tumulte.

 

rue de balat
balat, un quartier d'Istanbul

Il y a quelques années encore, ce quartier populaire d’Istanbul abritait des familles modestes. Les maisons ottomanes plus ou moins entretenues, pour certaines à l’abandon ont repris des couleurs. D’autres ont été rénovées.  Réinvesti par une population « bobo » il est promis à un avenir très résidentiel et branché ! C’est typiquement un des quartiers gentrifié d’Istanbul.

balat à Istanbul
Décoration urbaine à Bala
dans le quartier de balat

A Balat, la vie est douce. On y trouve des cafés branchés, des restaurants fameux. Des galeries, des ateliers, participent à l’animation d’un quartier décoré de manière parfois très originale. De fait, Balat se découvre en arpentant les rues pavées, le nez au ciel pour admirer les superbes façades restaurées, ou les créations perchées sur un mur.

dans le quartier Balat à Istanbul

Sur les traces de Pierre Loti à Istanbul

Après Balat, si on poursuit sa route au sein de la Corne d’Or, on arrive dans le quartier d’Eyüp. Un grand cimetière ottoman étagé sur une colline domine la Corne d’Or. Au sommet, le panorama est de toute beauté. C’est là, sur les hauteurs d’Istanbul que Pierre Loti (1850-1923) venait méditer et écrire. Amoureux de la Turquie et particulièrement d’Istanbul, il y fit plusieurs séjours et se rendait dans ce lieu reculé d’Istanbul. Depuis, un café, des restaurants, un hôtel ont ouvert.

« Oh, Stamboul ! De tous les noms qui m’enchantent encore, c’est toujours celui-là le plus magique. Aucune capitale n’est plus diverse par elle-même, ni surtout plus changeante d’heure en heure, avec les aspects du ciel, avec les vents et les nuages – dans ce climat qui a des étés brûlants et une admirable lumière, mais qui, par contre, a des hivers assombris, des pluies, des manteaux de neige tout à coup jetés sur ses milliers de toits noirs. Et ces rues, ces places, ces banlieues de Constantinople, il me semble qu’elles sont un peu à moi, comme aussi je leur appartiens ».

Istanbul a su entretenir la mémoire de l’écrivain. Des rues, des institutions portent sont nom. 

panorama de la Corne d'Or
cimetière ottoman d'Eyup à Istanbul
panorama à partir du café Pierre Loti d'Istanbul

Kadikoï, une agréable découverte

De l’autre côté du Bosphore, sur la rive asiatique de la ville, ce quartier très animé, aux accents « alternatifs » mérite franchement le détour. Ici, c’est la mode, la culture, les idées dans ce qu’elles ont de « moderne » et parfois d’avant-gardiste qui rayonnent. Beaucoup de bars, de restaurants et de lieux joliment décorés rythment les jours d’une jeunesse branchée et très occidentalisée. .

l'embarcadère de Kadikoï
scène de rue à Kadikoï

En fin d’après midi, quand le soleil se couche sur le Bosphore, une athmosphère chaude et colorée s’empare des lieux. Les bords rocheux de Kadikoï sont alors le lieu de rendez-vous d’une jeunesse sensible au charme d’un coucher de soleil.

pose selfie à kadikoï
coucher de soleil à Kadikoï
un coucher de soleil à kadikoï
coucher de soleil à Kadikoï

De ce côté du Bosphore la terre et la mer semblent s’être données rendez-vous pour mieux dessiner un paysage marqué d’un côté par la mer marmara et les îles des princes au loin et de l’autre par les bords historiques d’Istanbul.

jeunesse de Kadikoï

 

Le Marché de Kadikoï

marché de poissons à Kadikoï
marché de Kadikoï
marché au fruits et légumes de kadikoï

Istanbul m’a agréablement surpris. Certes j’aurais pu évoquer d’autres quartiers que nous avons découverts, Kadiroï, la célèbre place Taksim… J’ai simplement souhaité ici partager nos coups de coeur et revenir sur mes souvenirs. Dans un prochain article consacré à la Turquie, je vous parlerai de la Cappadoce et  de notre remontée du bosphore jusqu’au bord de la mer noire.

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