Sur la route de Ndande

Il fait très chaud en ce début d’après midi à Dakar. Je viens de quitter l’immense campus de l’université Cheikh Anta Diop où j’ai passé une partie de la matinée. Je m’apprête à rejoindre maintenant  la commune de Ngor à 10km de là avec un mini bus très couleur locale: le fameux rapide jaune et bleu. C’est là, à Ngor, au bord de l’océan atlantique, juste en face l’île du même nom, que je réside.

 

Impossible de ne pas les voir à Dakar. Ces cars rapides sont partout. Anciennes camionnettes 1000Kg, bricolées, resoudées, décorées pour le transport public, ils sillonnent la ville et sa banlieue dans tous les sens et proposent une vingtaine de places assises, dont 3 à côté du chauffeur. 20 autres personnes debout peuvent encore s’y entasser . Au moment de fortes affluences il n’est pas rare que plus de 40 personnes s’entassent dans le véhicule dans un confort très précaire.

taxi de Dakar

L’intérieur du petit bus est tapissé de photos de footballeurs, de chanteuses, de chanteurs, de chefs religieux, de messages issus du Coran, de lutteurs… Il n’est ainsi pas rare de voir se cotoyer un portait de Madona et de Cheikh Amadou Bamba. Retapé, aux limites de la casse, ce petit bus fait l’affaire des milliers de sénégalais qui le prennent chaque jour entre 5h du matin et minuit.

Debout au fond du véhicule, agrippé au montant de la vitre, luttant contre les soubressauts de la camionnette, j’essaye tant bien que mal de me tenir debout. Un jeune se lève et me propose sa place. J’accepte. Assis à côté de moi, un sénégalais d’une quarantaine d’année engage la discussion: « il y a encore des jeunes respectueux des aînés, me dit-il ».  Il m’apprend qu’il habite à Ndande, une petite bourgade à 150 km au nord de Dakar, juste en dessous de Sain Louis, au bord du Sahel. Il vient de réussir le concours de Normale Sup à Dakar et y poursuit actuellement ses études. Au rythme des arrêts et des redémarrages fréquents, dans un bruit de ferraille assourdissant nous filons vers nos destinations respectives. Lui, vers son école, moi vers mon hôtel quelques kilomètres plus loin. 10 minutes de trajet en commun nous suffisent pour nouer une relation sympathique que nous convenons de prolonger le soir à Ngore; parfaite illustration de ce qu’est la Téranga sénégalaise.

C’est au bar de l’hôtel où je loge  que je retrouve Massaer accompagné de deux amis, l’un chargé de communication au Ministère de l’Education nationale du Sénégal, l’autre,  une militante sénégalaise engagée dans la lutte pour l’égalité hommes/femmes ! La discussion tourne très vite autour de la jeunesse sénégalaise, du chômage endémique et de l’état déplorable du service public d’orientation scolaire et professionnel et de la crise que traverse le système éducatif Sénégalais. Grâce à Massaer et son ami,   j’aurai l’occasion, comme ancien professionnel de l’orientation, de rencontrer un responsable de l’orientation du Ministère de l’Education nationale pour discuter ces questions.

Avant de nous séparer en fin de soirée, Massaer m’invite chez lui à Ndande et me propose d’assister à la fête du Gamou. J’accepte avec grand plaisir et me réjouis à l’idée de pouvoir passer quelques jours dans une famille sénégalaise.

Le même soir, je me renseige sur les bus pour rejoindre Ndande  et prendrai quelques jours plus tard le bus rapide à la gare des baux maraîchers à la sortie de Dakar, à Pikine.

gare de bus de Dakar

Nous venons à peine de parcourir quelques kilomètres qu’une forte odeur de métal chauffé à blanc se répand dans le bus:  les mâchoires de freins sont collées aux disques. le conducteur doit s’arrêter et utiliser une sorte de dégrippant pour désserrer les mâchoires. 1er arrêt lié à un problème technique. La réparation effectuée, le bus repart, mais après Thiès, à l’entrée d’un village, la barre de torsion rend l’âme ! 3h d’arrêt pour réparer sur le bas côté de la route.

Le bus vient de s’arrêter pour procèder à la réparation. Les passagers descendent du bus et sont aussitôt assaillis par des marchandes de mangues portant des seaux remplis de fruits aux couleurs éclatantes. Je me suis assis sur un morceau de bois qui sert de banc, à l’ombre d’une bâche dépliée sur le toit d’une boutique. J’attends, sereinement, sans impatience aucune.  Dans ce genre de situation,  en France,  ce genre d’arrêt obligé m’aurait très certainement plongé dans une sorte de nervosité revendiquante que connaissent bien les passagers d’un train arrrêté en pleine voie. Etonnamment, ici, au bord de la nationale, à côté de ce vieux minibus aux limites de la casse,  j’éprouve une sorte de joie diffuse suffisamment intense pour oublier que nous sommes en panne et que la réparation prendra beaucoup de temps.  Ce long arrêt est  l’occasion d’une pause que je mettrai à profit pour discuter avec les villageois et déambuler dans le village coupé en deux par la nationale qui relie Dakar à Saint Louis. Toute l’activité commerciale du village, en l’occurence la vente de mangues et de fruits est liée au trafic de cette voie de circulation.

Bref, je passerai là 3 belles heures avant que nous ne repartions pour Ndande où m’attend Massaer.

A Ndande, 

Comme prévu, Massaer est là, à l’arrêt du bus. Il me souhaite la bienvenue.

« Alors, bon voyage ? »

« Oui, ça va, désolé pour le retard »…….

La nuit est tombée, il est 21h. Devant les quelques bars et boutiques alignés à proximité de l’arrêt du bus, des charettes à cheval attendent, d’autres s’enfoncent dans l’unique grand rue de sable du bourg.  Un signe de la main au conducteur de la charrette  et nous voilà en route, assis l’un et l’autre  sur le rebord du plateau en bois de l’attelage. Nous nous dirigeons vers le domicile de Massaer. Il habite à l’extrêmité Est du village. Sur le seuil des échoppes,  des groupes d’hommes discutent, boivent le thé.  La route de sable est faiblement éclairée par quelques réverbères offerts il y a quelques années par une ville de la banlieue parisienne. A peine s’est on écarté de la nationale qu’on se trouve plongé dans une athmosphère fleurant bon les nuits étoilées du désert.

La maison de Massaer est une grande bâtisse moderne aux murs blancs, définitivement inachevée située en bordure du désert,  pas loin du célèbre puits de Ndande. C’est une bâtisse aux murs épais, construite à l’européenne, entourée d’un mur lui aussi très épais. J’apprendrai qu’à Ndande vécurent au temps de la colonisation des français. D’anciennes maisons françaises sont là pour rappeler cette époque et l’urbanisme de Ndande. Dans la cour il y a un puits et un enclos où bêlent quelques chèvres.

A l’intérieur de la maison, des femmes, des enfants sont assis dans un grand couloir.  Du pain, des carafes d’eau, des thermos de thé sont disposés sur une grande natte déroulée à même le sol. Le repas du soir est prêt. J’ai le privilège en tant qu’invité et toubab de le partager avec les femmes et les enfants.

C’est Babel, le fils de Massaer qui est chargé de me guider pendant mon séjour. Très investi dans cette mission, il va me faire découvrir le village.  Il connait quantité de choses que j’écoute avec attention. Il me présente les enfants  de la maisonnée, des frères, des cousins.  Babel est le plus âgé.  Il est scolarisé en 5ème au  collège de Ndande : un collège/Lycée inauguré en 2015 en présence de  l’ambassadeur de France.

 

NDANDE

 

Ndande est une commune du Sénégal située dans la région de Louga à 140 km au nord de Dakar, pas très loin de Saint Louis. C’est cette commune en projet, à la recherche de son identité, entre tradition et modernité que je vous propose de découvrir.

Riche d’une longue  histoire liée au royaume du Cayor dont elle faisait partie jadis, Ndande a délibérément fait le choix de la modernité. Elle dispose d’un Lycée tout neuf, inauguré il y a deux ans. Construit par la diaspora de Ndande réunie autour de l’association Jokko Défar Ndande établie en France, il prépare les collégiens et les lycéens au baccalauréat. J’ai rencontré quelques jeunes qui rêvent de poursuivre leurs études en France et de suivre les traces de certains d’entre eux qui aujourd’hui étudient à Bordeaux, Montpellier…

Il y aurait beaucoup de choses à faire pour aider tous ces jeunes dans leur orientation et leur insertion professionnelle….

Un dispensaire, une case des enfants ont également été construits. Des associations existent pour faire vivre des projets. Tout cela témoigne d’un dynamisme et d’une volonté de s’ouvrir au monde moderne et de préparer l’avenir de la jeunesse et de la communauté rurale de Ndande.

Située dans la zone sahélienne du Sénégal, les habitants doivent composer avec la sècheresse. L’eau manque. Le puits de Ndande est sec.

Le Puits de Ndande. Jadis, la vie des habitants étaient rythmée par un puits : le puits Kolong Fall. Ce puits, nous dit-on, était le seul point d’eau de la localité. Son contrôle était vital. La végétation environnante  permettait de nourrir le bétail. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il a fait l’objet d’âpres  combats entre les Damels Lat Dior Ngoné Latyr Diop et Madiodio.
La légende dit  qu’il y a à l’intérieur de ce puits datant du 16e siècle un grand boa: le totem du village. Aujourd’hui, la famille Fall de Ndande a hérité de ce puits historique plein de mystères.  Elle joue un rôle prépondérant dans la gestion de ce patrimoine.
Les maisons « françaises » bien alignées, la gare, aujourd’hui désaffectée rappellent qu’ici habitèrent des colons français exploitant l’arachide, très abondant dans la région. Pour écouler les marchandises et permettre la circulation entre Dakar et Saint Louis une voie ferrée d’une longueur d’environ 270 km a été mise en construction en 1883. Les deux chantiers, celui du sud et celui du nord  se sont rejoints près du village de Ndande, où la jonction des rails a eu lieu le 13 mai 1885. Selon la légende un clou d’argent a été utilisé pour le dernier ajustage…Le train s’arrêtait donc en gare de Ndande, une gare renommée pour son buffet hôtel. Depuis les années 1990, il n’y a plus de train. Nous l’avons pris, Brigitte et moi, en 1979 lors d’un tour du Sénégal. Il y a aujourd’hui une route goudronnée, encombrée de voitures, de camions, de charrettes…

Quelques photos prises à Ndande

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